—
Il y a des abris, c'était intenable pour y dormir. — Qu'est-ce qu'il y avait dans les tranchées
?
- Des gros rats ! C'était épouvantable, et puis pour
les tuer, c'était pas possible : il y en avait trop. Il y
en avait partout, partout : dans les gourbis, il y en avait dans
les champs, il y en avait partout, partout ! Ils nous donnaient
des puces, ces salauds-là ! Intenable !
Les puces, la nuit, sur la figure, là, je ne pouvais pas
les encaisser : fallait que je sorte dehors !
Autrement les poux, il y en avait : tout le monde en avait. Il y
en avait dans les pantalons, il y en avait dans la veste, il y en
avait partout !
— ... dans les capotes : des totos qu'on disait : c'étaient
les poux !
— On avait composé une chanson, une fois : la valse
des totos ! — Comment elle disait ?
— « Du godillot jusqu'au calot, la
vacherie des totos...
c'est la grattouillette...»
Maquette des
tranchées tenues par le 42éme RI
Nouvion-Vingré (Aisne) en Avril 1915.
Musée de l'Armée (Paris).
«
Il y en avait partout dans les gourbis » : les
soldats creusaient, dans les flancs des tranchées des trous
assez profonds pour s'abriter quand ils n'étaient pas de garde.
Ces excavations étaient des « sapes » mais eux
les appelaient des cagnas, des guitounes ou des gourbis.
« Les totos » : les soldats
désignent les poux par ce mot familier.
« Du godillot jusqu'au calot »
: les godillots sont des souliers. Ce mot vient du nom de M. Godillot,
fabricant de chaussures, fournisseur de l'armée. Le calot est
une coiffure.
Les
soldats créaient des chansons du genre de celle que chante
Monsieur Taurisson. Rire des moments difficiles était pour
eux un moyen pour essayer de supporter leurs souffrances.
Dans
les tranchées les soldats ne pouvaient pas se laver, pas se
raser, rarement changer de linge. Ils restaient habillés d'une
relève à l'autre. Même au repos, les conditions
d hygiène et de logement étaient déplorables.
Extraits
des « Carnets de guerre de Louis Barthus ":
« Nous prîmes six jours de repos... Notre principale occupation
fut de nous livrer à la chasse aux poux : nous en portions
des milliers sur nous : ils avaient élu domicile dans le moindre
pli, le long des coutures, dans les revers de nos habits... on en
tuait dix, il en revenait cent....(Page 209)
Il tomba relativement peu de neige, ce mois de décembre (1917)
mais elle était collée au sol...
Les rats arrivaient affamés et par centaines dans nos abris.
Si la nuit on n'avait pas pris la précaution de se couvrir
la tête, plus d'un aurait ressenti au nez, au menton et aux
oreilles les dents aiguës de ces maudites bêtes. »
(Page 501.)