Avant une attaque
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Et les attaques, comment se passaient-elles ?
— Ah ! bien les attaques... on était dans la tranchée, alors on nous avertissait : « À telle heure nous attaquons. » Le matin, on avait touché double ration, on avait touché un quart de gnôle, qu'on appelait : — c'était... de la gnôle, je ne sais pas ce que c'était : il y avaitun peu de tout ! — un litre de vin, un litre de café. Le capitaine passe : il nous a dit : « Vous avez touché ça ? » — « Oui » — « Eh bien ! à midi, il y aura à faire bien attention : sur le poste du commandant, un fusant (un obus qui éclatait en l'air). Quand il éclatera, ça sera l'attaque ! Et tout le monde dehors, hein ! Je pars, mais avant de sortir de la tranchée, je fais la tournée : que tout le monde soit sorti. » Il nous commandait avec revolver au poing : ceux qui ne sortaient pas !... Le commandant qui commandait le bataillon, il avait pris un équipement comme les hommes, et un fusil, pour pas faire voir que c'était l'officier. Alors là, tout le monde sortait, et on partait... « On
avait touché un quart de gnôle »
: chaque soldat avait reçu un quart de litre d'eau-de-vie.
Dans cet alcool on ajoutait souvent de l'éther ou d'autres
drogues pour que les soldats se rendent moins compte du danger. |
Extraits
des « Carnets de guerre de Louis Barthus »
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« Un ravitailleur arriva avec deux bidons de gnôle pour distribuer immédiatement : chacun avança son quart, mais beaucoup la reniflaient avec méfiance : cette distribution insolite au moment d'une attaque paraissait suspecte. » (Page 124) « C'était un vieux sous-officier... Revolver au poing à l'entrée du boyau, il barrait le chemin à ceux qui pouvaient être pris du compréhensible désir de s'esquiver. » (Page 131) « Soudain on fait passer de mettre baïonnette au canon : un frisson parcourut tout mon être... Je vais être jeté dans une lutte corps à corps, sauvage contre des malheureux, victimes comme moi d'une implacable fatalité... Au bout de quelques minutes, le mot fatal ; « En avant ! » se répéta dans la tranchée. » (Page 67) « Il n'y avait que le caporal qui était obligé de marcher en tête de son escouade, les sergents marchant en serre-file pour faire marcher les trainards et les abattre à coup de revolver à discrétion. » (Page 68) |