Apprendre à vivre ensemble
Affronter l'autre
— Pourquoi les gorilles ont sur la poitrine une plaque dure où ils tapent ? Écoute ( 1 min 57 secondes)
Clique sur le triangle blanc lecture pour entendre. — Ce sont les mâles qui tapent sur leur poitrine ; ça fait comme un coup de gong et ils pensent faire peur comme ça, c'est-à-dire qu'ils veulent provoquer une sorte de contagion émotive. Quand ils ont peur eux-mêmes, ils tapent sur leur poitrine, ils attrapent une branche, ils la secouent ou ils prennent des feuilles, ils les lancent ; c'est-à-dire qu'ils veulent effrayer l'autre et souvent ils y arrivent. Ils simulent l'attaque, ils poussent des cris suraigus, ils font des menaces et ils font peur à l'autre et ça permet d'éviter l'affrontement réel et les coups réels. Donc ce sont des simulacres très importants et les animaux sont très cultivés en ce sens, ils font ce qu'on appelle des rituels. — Mais si son ennemi, il n'a pas peur, qu'est-ce qu'il fait le gorille ? — Généralement, il y a une sorte d'escalade. L'autre gorille n'a pas peur, il tape aussi et puis de simulacre en simulacre, ils se rapprochent, ils se menacent et il y a toujours un moment où l'un d'eux a peur et à ce moment-là, il s'avoue vaincu et ça s'arrête là. Mais parfois, tu as raison, ça ne s'arrête pas là, il y a des bagarres, ils se donnent des coups de dents. Mais, même lorsqu'ils se bagarrent et qu'ils se frappent réellement, lorsque l'un d'eux se sent dominé, il se sent vaincu, il y a toujours une posture qui bloque l'agression de l'autre. Ils simulent l'attaque : ils font semblant d'attaquer, ils font des simulacres. Les animaux sont très cultivés en ce sens : ils savent très bien faire, ils ont beaucoup de connaissances en ce domaine. Par exemple, deux chiens sont en train de se battre, ils se font mal, ils se mordent, mais il y a un moment où le chien qui se sent vaincu, se couche sur le dos et fait comme un enfant en train de se faire toiletter. Et le simple fait d'avoir ce comportement d'enfant arrête l'agression de l'autre chien. Alors nous, on fait exactement comme les animaux, c'est-à-dire que la plupart du temps, quand on se sent agressé, on crie, on insulte, on fronce les sourcils, on essaie de faire peur et d'intimider l'autre. On est encore à ce qu'on appelle le stade des rituels, donc on ne se fait pas mal. Mais nous, en plus des animaux, on a « la technique » et alors là, on peut faire du mal à l'autre sans émotion. Tu vois ce que je veux dire. Par exemple dans les guerres où il suffit d'appuyer sur un bouton pour faire tomber une bombe, on ne sait pas à qui on fait du mal, on n'a pas d'émotion, nous, on a simplement appuyé sur le bouton. Organiser la société — Qui est-ce qui commande chez les singes ? Écoute ( 1 minute) Clique sur le triangle blanc lecture pour entendre. — On pensait jusqu'à récemment que le singe dominant, le chef, c'était celui qui était le plus fort. Et puis maintenant qu'on a appris à faire des observations un peu plus précises, on se rend compte que le singe dominant ce n'est pas celui qui est le plus fort mais c'est au contraire celui qui organise le mieux le groupe, et celui qui apaise le mieux le groupe. Pendant très longtemps, on a cru que c'étaient les mâles. Mais on s'aperçoit que les femelles sont souvent très dominantes mais que pour devenir des chefs, elles ont une manière de vivre en groupe très différente des mâles. Elles ne se servent pas de la force parce qu'elles pèsent deux fois moins lourd, qu'elles sont moins rapides, et qu'elles n'ont pas intérêt. Elles se servent du lien affectif. C'est autour d'elles qu'elles tissent un réseau d'affection avec leurs enfants, avec des mâles, et tout le groupe se coordonne autour de ces femelles dominantes. Et maintenant, on a pu observer ça parce qu'on a cessé de penser que c'étaient la force et la violence qui organisaient les groupes. — Qu'est-ce que ça veut dire « coordonner » ? — Ça veut dire que les êtres du groupe s'ordonnent ensemble, mettent de l'ordre et apprennent à vivre ensemble.
— Ce sont les mâles qui tapent sur leur poitrine ; ça fait comme un coup de gong et ils pensent faire peur comme ça, c'est-à-dire qu'ils veulent provoquer une sorte de contagion émotive. Quand ils ont peur eux-mêmes, ils tapent sur leur poitrine, ils attrapent une branche, ils la secouent ou ils prennent des feuilles, ils les lancent ; c'est-à-dire qu'ils veulent effrayer l'autre et souvent ils y arrivent. Ils simulent l'attaque, ils poussent des cris suraigus, ils font des menaces et ils font peur à l'autre et ça permet d'éviter l'affrontement réel et les coups réels. Donc ce sont des simulacres très importants et les animaux sont très cultivés en ce sens, ils font ce qu'on appelle des rituels. — Mais si son ennemi, il n'a pas peur, qu'est-ce qu'il fait le gorille ? — Généralement, il y a une sorte d'escalade. L'autre gorille n'a pas peur, il tape aussi et puis de simulacre en simulacre, ils se rapprochent, ils se menacent et il y a toujours un moment où l'un d'eux a peur et à ce moment-là, il s'avoue vaincu et ça s'arrête là. Mais parfois, tu as raison, ça ne s'arrête pas là, il y a des bagarres, ils se donnent des coups de dents. Mais, même lorsqu'ils se bagarrent et qu'ils se frappent réellement, lorsque l'un d'eux se sent dominé, il se sent vaincu, il y a toujours une posture qui bloque l'agression de l'autre.
Ils simulent l'attaque : ils font semblant d'attaquer, ils font des simulacres. Les animaux sont très cultivés en ce sens : ils savent très bien faire, ils ont beaucoup de connaissances en ce domaine.
Par exemple, deux chiens sont en train de se battre, ils se font mal, ils se mordent, mais il y a un moment où le chien qui se sent vaincu, se couche sur le dos et fait comme un enfant en train de se faire toiletter. Et le simple fait d'avoir ce comportement d'enfant arrête l'agression de l'autre chien. Alors nous, on fait exactement comme les animaux, c'est-à-dire que la plupart du temps, quand on se sent agressé, on crie, on insulte, on fronce les sourcils, on essaie de faire peur et d'intimider l'autre. On est encore à ce qu'on appelle le stade des rituels, donc on ne se fait pas mal. Mais nous, en plus des animaux, on a « la technique » et alors là, on peut faire du mal à l'autre sans émotion. Tu vois ce que je veux dire. Par exemple dans les guerres où il suffit d'appuyer sur un bouton pour faire tomber une bombe, on ne sait pas à qui on fait du mal, on n'a pas d'émotion, nous, on a simplement appuyé sur le bouton.
Organiser la société
— Qui est-ce qui commande chez les singes ? Écoute ( 1 minute)
Clique sur le triangle blanc lecture pour entendre.
— On pensait jusqu'à récemment que le singe dominant, le chef, c'était celui qui était le plus fort. Et puis maintenant qu'on a appris à faire des observations un peu plus précises, on se rend compte que le singe dominant ce n'est pas celui qui est le plus fort mais c'est au contraire celui qui organise le mieux le groupe, et celui qui apaise le mieux le groupe. Pendant très longtemps, on a cru que c'étaient les mâles.
Mais on s'aperçoit que les femelles sont souvent très dominantes mais que pour devenir des chefs, elles ont une manière de vivre en groupe très différente des mâles. Elles ne se servent pas de la force parce qu'elles pèsent deux fois moins lourd, qu'elles sont moins rapides, et qu'elles n'ont pas intérêt. Elles se servent du lien affectif. C'est autour d'elles qu'elles tissent un réseau d'affection avec leurs enfants, avec des mâles, et tout le groupe se coordonne autour de ces femelles dominantes. Et maintenant, on a pu observer ça parce qu'on a cessé de penser que c'étaient la force et la violence qui organisaient les groupes. — Qu'est-ce que ça veut dire « coordonner » ? — Ça veut dire que les êtres du groupe s'ordonnent ensemble, mettent de l'ordre et apprennent à vivre ensemble.